FILIATION MORTELLE - extrait n°2
Dix minutes plus tard, j’atterris au pied de l’immeuble. Trois véhicules de police et un camion de pompiers ceinturaient l’endroit. Les visages étaient graves. Je grimpai les marches menant au lieu du drame. Eric Truffot, le capitaine des pompiers de permanence vint à ma rencontre.
- Salut ! tu veux vraiment rentrer ?
On se serra la main.
- Je suis obligé de faire les constatations. C’est la procédure.
- Prends-ça, alors.
Il me tendit un mouchoir en tissu avec une odeur de parfum. Il s’écarta, libérant le passage. Sur le pas de la porte, je constatai les premières traces de sang sur une des cloisons. L’odeur caractéristique de la mort et du sang mêlés m’avait immédiatement assailli.
Pour l’instant, rien de plus que la routine habituelle. Sur le canapé, une femme était étendue et le rouge du sang qui lui recouvrait la partie haute du corps ne lui allait pas au teint. Un drap recouvrait une partie de son corps. Le médecin des pompiers était penché sur elle. Je m’approchai de lui.
- Alors, docteur ?
- Quinze coups de couteau. Il ne lui a laissé aucune chance.
- D’autres victimes ? demandai-je en me redressant.
- Deux enfants, commandant. Accrochez-vous, c’est vraiment moche. Très moche, rajouta-t-il en me regardant dans les yeux.
Je me frayai un chemin vers la pièce suivante qui s’avérait être une chambre. Deux draps blancs recouvraient deux petites formes. Des gardiens de la paix au teint blême surveillaient la pièce. Dans leurs regards se lisait la projection de l’horreur aperçue. Je m’agenouillai au-dessus du premier corps. Je dépliai le drap et le visage d’un petit garçon d’une dizaine d’années apparut. Du sang avait coulé de son crâne. A proximité, le coin du pied droit d’une table basse en verre était rouge sang. Des morceaux de cervelles luisaient sur le dessus. Le choc avait dû être d’une violence inouïe.
- Qui peut faire quelque chose d’aussi monstrueux ? demandai-je à la volée sans attendre la moindre réponse.
Mon cœur se serra. Je sentis la nausée se matérialiser en moi. Je déglutis et respirai par à-coups. Je devais contenir ma rage et reprendre le fil de mes constatations.
- Et tu n’as encore rien vu.
Eric s’était approché de moi discrètement. Il me couvait du regard, épiant mes gestes. Il me désigna une deuxième forme sous le drap blanc.
- C’est pire ?
Il hocha la tête.
- Et il n’avait que quatre mois.
Il tourna les talons et me laissa seul avec l’horreur. Il lui restait des formulaires à remplir avant le transport des corps à la morgue. L’odeur devenait irrespirable. Je fis une halte et pour la première fois depuis le début de ma carrière, j’hésitai un instant. Voulais-je véritablement soulever ce drap ?
Mon boulot était de protéger, de servir et de rendre justice aux victimes en découvrant l’identité de leur agresseur et en mettant tout en œuvre pour le mettre hors circuit.
Je m’avançai de deux pas. Les deux pas me séparant de ce corps recouvert.